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La Ligne et Le Lien Médiathèque de Honfleur du 25 juin au 27 août 2022

samedi 25 juin 2022 à 15h
Vernissage de l’exposition
La ligne et le lien
de Rejine HALIMI

Entrée libre

portrait

Installée à Honfleur depuis 2019 dans sa maison /galerie du 47 rue du Puits, Rejine Halimi présente ses peintures et ses photographies dans un cadre propice à la contemplation et à la réflexion.

Artiste professionnelle, Rejine a exposé à de nombreuses reprises aussi bien en France, qu’en Europe et aux États-Unis. Ses oeuvres sont présentes dans plusieurs collections de mécènes passionnés d’art contemporain. Esprit libre et ardent, Rejine nous époustoufle par la maîtrise et l’intensité de ses oeuvres tant photographiques que picturales.

La médiathèque l’accueille tout l’été pour une
exposition donnant la part belle à toute une série de
portraits plus touchants les uns que les autres,
représentant des personnes âgées ayant survécu à la
Shoah, auxquels répondent ses peintures qui
témoignent de son talent de coloriste hors pair.

 

Car l’oeuvre de Rejine nous marque en profondeur, ses tableaux aux teintes de terre, de lumière
et de sang s’imprègnent en nous et font ressortir une force venant du fond des âges :

« L’œuvre de Rejine Halimi semble être une faille, telle cette terre qui bouge, s’ouvre brutalement et nous montre, immobile, une surface de matière, riche de mouvements figés, d’épaisseurs et de subtiles couleurs. L’artiste nous présente une écriture faite d’un compromis entre la matière et son martèlement, une écriture sortie du fond des temps, faite de mémoire enfouie qui resurgit et nous laisse empreints de joie, de mélancolie agréablement forte et perplexe. » 

Rejine avait très à coeur de présenter sa série de portraits réalisés en 2019 auprès de résidents d’une
maison de retraite pas comme les autres, Amaraggi, où résident des personnes ayant survécu aux
horreurs de l’Holocauste (exposition commandée par la Fondation Casip-Cojasor – Résidence
Amaraggi en partenariat avec la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et exposée à la Cité des
sciences et de l’industrie de la Villette à Paris ainsi qu’à la Mairie de Paris).
Leurs sourires, leur force, leur dignité, la puissance de leur humanité témoignent que tout vit
encore, et que la vie gagne. Rejine a su retranscrire leur vécu et, ce faisant, réaliser un devoir de
mémoire…à coeur ouvert.

Comme le dit si bien Madame Annie Melihan Cheinin, ex-directrice de la Résidence Amaraggi :

« Cette exposition Mémoire d’un Sourire, parle de mémoire, parle de sourire, parle de force et d’envie, elle nous invite à plonger dans le livre ouvert de chaque histoire aussi douloureuse soit-elle, car toutes ont en commun, la victoire de la vie sur les ténèbres. »

Les Honfleurais avaient déjà pu avoir un aperçu de l’incroyable acuité de cette artiste photographe
lors des Focales du Pays d’Auge en 2021 avec Honfleur Un Village des Visages, ils découvriront ici
l’ampleur de sa sensibilité, elle transparaît à la fois dans ses clichés et dans ses oeuvres peintes car
finalement tout est question de regard.

Nul doute que cette artiste habitée, débordant d’énergie et d’une grande générosité d’âme saura vous
passionner.

Venez assister au vernissage de son exposition qui aura lieu le samedi 25 juin 2022 à 15h.
Exposition à voir du 25 juin au 27 août 2022 à la Médiathèque de Honfleur.

 

Je me suis évadé de quatre camps d’emprisonnements français. Un jour, refusant de faire la corvée de chiottes, j’ai été placé dans un autre camp. Disciplinaire. celui-là. C’est ce qui m’a sauvé la vie. J’ai su plus tard, que mes codétenus de la veille avaient été transférés le lendemain à Drancy, puis…J’ai toujours envie de m’évader d’ici aussi, j’y arriverai sûrement un jour.

 

 

 


un grand merci à Pink Martini pour le crédit musical

Bram Van Velde : « Peindre me fait peur »

C’est un « peintre de l’empêchement » selon l’expression de Samuel Beckett. Bram Van Velde peint ce qui l’empêche de peindre, et s’émerveille de ce qui jaillit de la toile. Dans un document rare de 1980, l’artiste s’entretient avec Charles Juliet sur son rapport vital à la peinture.

Quelques mois avant sa mort, Bram Van Velde avait accordé un entretien à Charles Juliet, écrivain, poète, qui avait accompagné de ses textes l’édition des lithographies du peintre. Bram Van Velde, l’ami de Samuel Beckett. Bram Van Velde, un homme que n’avait jamais quitté l’envie d’être peintre – tant mieux -, et qui peignait ses tableaux pour lui-même les découvrir. Rêveur et profondément dévoué à la peinture, il se définissait comme un « être liquide ». D’une voix délicate, un peu tremblante et avec un léger accent néerlandais, il se confie dans ce document rare sur son rapport vital, substantiel, à la peinture. Bram Van Velde est né en 1895 dans une commune néerlandaise, Zoeterwoude, et mort en 1981, à Grimaud, dans le Var. Il fut longtemps peintre en bâtiment et décorateur. Il se rappelle :

Je me souviens très bien de ma vie, quand j’étais apprenti peintre en bâtiment et de décoration. Vite, on a vu que j’avais du talent. Je faisais des abat-jours, oui des lampes, c’est ça.

C’est un homme d’une extrême sensibilité qui, après de multiples vicissitudes, tant personnelles que professionnelles, connaîtra tardivement le succès.

Mon enfance a été très misérable. Mon père est parti et ma mère était avec quatre enfants, qu’elle devait faire vivre par elle-même. C’était une enfance très dure. Mais moi, toujours, j’ai voulu être peintre. On m’a donné des crayons de couleurs à 7 ans, et je faisais un dessin avec un moulin, et on trouvait ça si beau… je n’ai jamais quitté l’idée d’être peintre.

Il n’a jamais perdu la fascination enfantine du dessin et de la couleur. Quand il parle de la peinture, sa voix se relève, et l’on imagine son regard pétillant. Des formules simples et profondes à la fois jaillissent alors.

Un tableau, un vrai tableau… c’est une merveille ! On peut en vivre. Il ne s’agit pas de les multiplier. J’ai fait ce que je pouvais. J’ai toujours eu peur de… je ne sais pas, ça me fait peur. Peindre me fait peur. Faire face, porter tout ça, je le vis comme une chose qui n’est pas sans danger, mais je dois rester le maître. 

Un tableau qui sort tout le vécu, qui me libère de tout ça, est un moment glorieux. Je vis par ce genre de moments.

L’œuvre qui vient, l’image qui surgit, émerveille toujours de façon renouvelée son propre créateur, et le laisse presque abasourdi. Car l’émerveillement de la création est toujours bizarrement teinté de désespoir pour le discret Bram Van Velde.

Chaque fois, un tableau vient, et je ne le savais pas. L’acte est une sorte de désespoir qui vous plonge en profondeur, mais de laquelle on ne sait rien. Une sorte de cauchemar.